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Pas de sécurité dans un monde sans vie privée

Fennel Aurora

08.08.17 5 min de lecture

En 2017, pour la grande majorité d’entre nous, la vie privée est désormais sous respirateur artificiel.

L’idée de propriété devient également obsolète, ce qui ne fait qu’accentuer le problème : comment garantir la vie privée lorsque tout ce que vous êtes est possédé et contrôlé par quelqu’un d’autre ?

Seuls quelques individus sont désormais en mesure de disposer d’une vie privée. Grâce à sa fortune, Mark Zuckerberg fait appel aux tribunaux pour interdire aux Hawaïens l’accès à son île privée, ou pour maîtriser son voisinage dans la Silicon Valley.

Pour le reste d’entre nous, le peu de vie privée dont nous disposons encore ressemble à une mauvaise plaisanterie, à une comédie grotesque.

Pour faire simple, nous vivons dans une vente pyramidale.

Ce modèle n’a rien de nouveau : il existe depuis la nuit des temps. Certains suggèrent même qu’il s’agirait d’une nécessité mathématique.

De tels systèmes se développent et s’écroulent continuellement. Fut un temps, l’empereur romain possédait plus que l’ensemble du peuple réuni. Grâce aux révolutions sociales et technologiques, la pyramide de la richesse présente (pour l’heure) moins de disparités que par le passé.

Compte-tenu des nouvelles possibilités de stockage des données et de nouvelles capacités de calcul ouvrant la voie au machine learning, nous avons assisté à la naissance d’un système pyramidal impliquant des inégalités criantes en matière de surveillance et de vie privée. Et il est probable que la situation empire encore avant de s’améliorer.

Seuls quelques individus sont encore en mesure de protéger leur vie privée. Seuls quelques individus disposent d’un accès aux informations personnelles de la plupart d’entre nous.

Google, Facebook, et les entités liées à certains spyware disposent d’un accès détaillé et constant aux données de milliards d’individus. Ils peuvent manipuler ces informations, les utiliser pour vous intimider,  ou en tirer un pouvoir d’une portée insondable. Ils sont en mesure d’éviter toute transparence avec plus ou moins d’impunité.

Les autorités et les agences d’espionnage forcent l’accès aux données détenues par les géants de l’informatique et des réseaux sociaux. Elles s’emparent des données des entreprises de télécommunications et s’octroient le droit de pirater et espionner n’importe qui, en toute impunité. Ces agences peuvent contraindre des individus au silence, emprisonner des lanceurs d’alerte pour motif de « terrorisme » et échapper à tout contrôle tout en mentant effrontément ou en mettant en avant le principe douteux de « sécurité nationale ».

Prism

Les droits de l’habeas corpus, contre les recherches arbitraires, et l’auto-accusation ne sont plus applicables dans le monde numérique.

Oubliez l’époque où pour enquêter sur quelqu’un, la police devait s’enquérir d’un mandat individuel et limité auprès d’un tribunal afin de justifier de motifs raisonnables. Oubliez l’époque où les preuves pouvaient être invalidées car mal acquises. Désormais, les recherches de données se font à grande échelle, sans limite, avec le tampon de « tribunaux secrets », des fouilles aléatoires sans motifs préalables sont organisées et la construction des preuves parallèles pour maquiller les vraies sources de l’enquête est considérée comme normale. Et les résultats de recherches illégales sont désormais acceptées comme preuves.

Et vos droits contre l’auto-accusation ? La police des frontières et parfois la police classique pensent qu’elles peuvent vous forcer à déverrouiller vos appareils à des fins de recherches, et vous forcer à fournir vos mots de passe.

Dans tous les pays occidentaux, sont étudiées des lois de surveillance, certaines menaçant les pratiques de chiffrement. La Russie et la Chine tentent de bannir TOR et les VPN. L’Inde contraint son économie toute entière à une surveillance basée sur le contrôle des empreintes digitales.

Les capacités informatiques de stockage et de calcul vont continuer de se développer. Les métadonnées également. La surveillance automatique rendue possible par le machine learning va poursuivre une croissance exponentielle. Contourner les pratiques de surveillance ou tenter de les perturber avec de fausses données deviendra de plus en plus difficile. Les chances sont faibles, le jeu est truqué, mais ce n’est pas une raison d’abandonner : le moment est venu de se battre.

L’esclavage a été aboli (d’une certaine manière, pour certains). Des droits civils ont pu être acquis (d’une certaine manière, pour certains). Les conditions de travail sont moins pires qu’auparavant (d’une certaine manière, pour certains). Se battre pour les droits de l’homme n’est pas chose facile et rien n’est jamais acquis, mais ce n’est jamais vain.

Pour citer Sarah Jamie Lewis, chercheuse sur l’anonymat et la confidentialité, « Le droit à la vie privée est une forme de consentement : ce droit peut être donné ou retiré ». Le consentement un droit fondamental et, comme pour toute chose, le consentement est d’abord retiré aux plus vulnérables, avec des effets secondaires, tels la violence ou la corruption qui s’emparent de la société dans son ensemble.

La vie privée diffère toutefois des autres droits sur un point : si votre liberté d’expression est violée temporairement, vous pourrez, une fois ce droit fondamental rétabli, en jouir à nouveau… mais lorsque le droit à la vie privée est perdu, c’est pour de bon. Internet semble éternel. Seule une apocalypse pourrait peut-être en venir à bout. Même en supposant que vous puissiez mettre fin aux abus d’un gouvernement ou d’une entreprise encline au voyeurisme, les secrets qui vous ont été volés resteront volés pour toujours. Vos données seront hors de votre contrôle et elles continueront à être exploitées de différentes manières jusqu’à la disparition de notre univers. Vous ne serez jamais capable d’en effacer chaque copie. Le droit à l’oubli est impossible à mettre en œuvre sur le plan technique.

Mais néanmoins, je considère la défense à la vie privée comme fondamentale et nécessaire à l’existence, et qui en vaut le sacrifice, voilà pourquoi je continue d’écrire dessus (peut-être inutilement).

J’espère que vous aussi. Quoiqu’il en soit, il n’est jamais trop tard pour défendre nos droits. Le droit fondamental à la vie privée et un monde plus Rawlsien sont-ils trop demander ?

Image © g4ll4is

Fennel Aurora

08.08.17 5 min de lecture

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